Député depuis quarante-deux ans, président du Kenya depuis dix-neuf ans, Daniel Arap Moï vient de remporter un dernier mandat présidentiel de cinq ans. Une longévité remarquable si l'on considère que le Kenya a perdu depuis longtemps son aura de «modèle africain». Certes, le shilling kenyan est stable, le nombre de Mercedes et de téléphones sans fil en augmentation. Mais le revenu moyen par habitant est tombé à 1700 francs par an, les routes sont défoncées et les touristes désertent un pays où des affrontements ont fait des centaines de morts et des milliers de déplacés l'été dernier. Incontestablement, Daniel Arap Moï gère mieux son destin que son pays. Originaire de la région d'Eldoret, celle qui a donné de si grands coureurs de fond au Kenya, Daniel Arap Moï fut le vice-président du «père de l'indépendance», Jomo Kenyatta, avant de lui succéder en 1978. La Constitution et le système de parti unique lui donnaient déjà tout pouvoir. En 1982, un coup d'Etat manqué lui permettra de renforcer son emprise. Moï en profite pour écarter les Kikuyus, la principale ethnie du Kenya qui dominait la vie politique et économique, pour placer des hommes qui appartiennent comme lui à des tribus minoritaires, regroupées sous l'entité de Kalendjins.
Politique clientéliste. C'est le début de la dérive autoritaire du régime. L'opposition est muselée, on torture à deux pas des hôtels favoris des touristes. Les fidèles du Président sont remerciés en argent liquide ou en terres, c