Un homme transporte une armoire sur un mulet. Des enfants, pieds
nus, marchent accrochés aux jupes de femmes qui ploient sous les ballots. Dans un froid glacial, à pied, à dos d'âne, en camions, poussant des brouettes, les familles terrorisées déferlent sur les routes qui mènent aux centres urbains. Ces paysans fuient la mort, deux semaines après le premier grand massacre sur les monts de l'Ouarsenis, laissant derrière eux des hameaux déserts, où des familles ont été anéanties. Le tableau de cet exode, brossé par les quotidiens privés algériens, est effarant. Et chaque nouveau carnage jette sur les routes de nouveaux réfugiés, dont personne ne se risque à estimer le nombre. Rien n'est épargné à ceux qui ont pu échapper aux égorgeurs. Peur, froid, faim. Et la menace des voleurs qui écument la région. «Devant la mosquée de Had Chekala, une foule attend on ne sait quoi», rapporte la Tribune. «A l'intérieur, une vingtaine de femmes avec leurs bébés se serrent. Elles ont élu domicile ici. D'autres familles sont entassées dans l'abattoir. Beaucoup continuent leur route.» Pour tous, deux obsessions: enterrer les morts et nourrir les vivants, ceux qui, comme ces mères, leurs gosses dans les bras, ont pu échapper à la mort en traversant un oued glacé. «A Had Chekala, 200 familles étaient toujours entassées, vendredi, dans la mosquée, dans des locaux commerciaux ou en plein air», rapporte le quotidien Liberté. Faute de tentes, certains s'abritent sous des roseaux recouverts de plas