Istanbul, Ankara envoyé spécial.
Des employés municipaux ploient sous des piles de dossiers dans des nuages de poussière que balaient soigneusement quelques femmes en foulard. Une agitation fébrile règne à la mairie de Bagcilar, bastion des islamistes de l'ex-Refah (Parti de la prospérité) dans la périphérie du grand Istanbul. «Nous sommes en travaux depuis deux mois pour abattre toutes les cloisons et instaurer une complète transparence avec le peuple; nous continuons malgré l'interdiction du parti, car nous appartenons d'abord à nos administrés», explique, sentencieux, Feyzullah Kiyiklik, premier citoyen depuis cinq ans de cette populeuse banlieue aux ruelles défoncées, à l'entassement de baraques, d'immeubles inachevés et de quelques mosquées toutes neuves. Quadrillage. Jadis fief de la gauche, Bagcilar est devenu un symbole de l'«islamisme municipal», mélange de paternalisme moralisant, de gestion rigoureuse et de démocratie directe: 500 000 électeurs, 300 000 votants pour l'ex-Refah et 90 000 adhérents. Le quadrillage militant du quartier est total. Maintenant, Feyzullah Kiyiklik, ancien professeur de religion dans le secondaire, devient maire «non inscrit». Dans quelques semaines, il va comme beaucoup d'autres adhérer au Fazilet (Parti de la vertu), dont les statuts ont été déposés un mois avant l'interdiction du Refah. L'interdiction d'activité politique du leader Necmettin Erbakan risque d'entraîner rapidement des divisions au sein d'un mouvement momentanément soudé