Bandoung, envoyé spécial.
Accoudé sur un coin du comptoir de son échoppe d'ustensiles de cuisine, Lim n'en mène pas large. Il ne fait pas bon être un petit commerçant d'origine chinoise ces temps-ci. Petit homme à la tignasse ébouriffée, Lim en a l'oeil humide lorsqu'il parle de l'émeute de cet après-midi-là, le 5 janvier dernier. Une centaine de boutiques de commerçants d'origine chinoise de Bandoung ont été saccagées à coups de pierres, dont la sienne. «Lorsque nous avons entendu les foules hurler en haut de la rue, nous avons immédiatement abaissé le rideau de fer celui que nous avions fait installer après les dernières émeutes [antichinoises] de 1973. Puis nous avons couru nous réfugier dans l'arrière-boutique, chuchote Lim. On s'en est bien tiré. Juste quelques carreaux de cassés. Mais je ne donnais pas cher de notre peau si la police n'était pas arrivée à temps.»
L'incident avait commencé par une banale altercation entre des marchands ambulants qui s'étaient installés sur le trottoir d'en face et des miliciens du Mouvement national de discipline. Composées de fonctionnaires, armés de bambous flexibles, ces patrouilles municipales ont été mises sur pied l'an dernier par le président indonésien, Suharto, pour servir d'auxiliaires à la police. Dès leur création à Bandoung, ces patrouilles cédèrent à l'habituelle tentation de rentabiliser ce qu'on appelle ici les «postes humides» en rackettant les boutiquiers chinois. Ce jour-là, ils entendaient demander davantage, et c'e