Oujda, envoyé spécial.
L'échine courbée, au pas de course, deux ombres s'élancent sous les oliviers. Quelques dizaines de mètres à travers un champ à jamais en jachère. Les jeunes Algériens ont franchi sans encombres la frontière marocaine. Illégalement. Une promenade de santé. Kamel semble à peine y croire. Ses yeux, toujours en mouvement, trahissent son inquiétude. Le poste de Zouj-Beghal est si proche qu'on y distingue les douaniers lézardant au soleil. «Je ne suis même pas essoufflé», réalise-t-il soudain. Le passeur sourit d'une telle naïveté. «La routine». Sans traîner, mais sans hâte excessive, les deux clandestins sont installés dans des voitures particulières, direction Melilla, port franc et enclave espagnole au Maroc. La porte de service de l'Europe où s'entassent, par milliers, les candidats à l'émigration venus de toute l'Afrique sahélienne. Malgré les risques, malgré les massacres, Maliens, Nigériens ou Burkinabés n'hésitent pas à traverser l'Algérie dans l'espoir d'un passage par le détroit de Gibraltar.
«Trabendo». Plus que «les événements», explique-t-il pudiquement, «c'est la situation» qui a poussé Kamel au départ. L'économie plus que la guerre, même si, pour ce jeune chômeur d'Oran, «l'une et l'autre sont bien liées». Kamel dénonce les «terroristes» mais jamais il n'emploie le terme «islamistes» et «refuse de croire que des vrais musulmans puissent égorger des vieillards, des femmes, des enfants». Avec insistance, il s'interroge sur «les intérêts du pouvoir