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Libération

Enterrements croisés en Irlande du nord. Protestants et catholiques ont enterré leurs morts, hier à Belfast.

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publié le 23 janvier 1998 à 16h48

Belfast, envoyé spécial.

Belfast enterre ses morts. Catholiques comme protestants. Un peu après midi, sous un ciel plombé de pluie et de brouillard, le cercueil de Larry Brennan sort de sa maison de brique de Market, un quartier ardemment nationaliste du centre de Belfast. Six hommes les bras enserrés avancent doucement sous le poids du cercueil qui tangue sur leurs épaules. Le cortège s'arrête. Quatre hommes sortent de la foule et vont sans un mot relayer les porteurs. Le cortège repart mais s'arrête après quelques minutes. Pour un nouveau relais. Tous les amis, tous les voisins, tous les collègues de Brennan, un chauffeur de taxi catholique assassiné lundi par des extrémistes protestants, pourront ainsi porter son corps jusqu'à son église de Saint-Malachy. Un policier du RUC, la police d'Irlande à 90% protestante, sanglé dans sa veste pare-balles, se fige dans un garde-à-vous et salue le corps de Brennan.

Menaces. Sa soeur Eilen, qui a demandé que personne ne s'autorise à venger la mort de son frère, soutient sa mère, une vieille dame en pleurs qui a déjà perdu un frère, victime des guerres civiles d'Irlande du Nord. La fiancée de Larry, une protestante, n'est pas venue. «Elle a reçu des menaces», explique un voisin de Brennan, un père divorcé de 52 ans. «Je connaissais Larry, un brave homme, il n'avait jamais fait de politique», poursuit-il. «Ces morts n'ont pas de sens, moi non plus je ne veux pas de représailles», avoue dans un chuchotement un autre ami du taxi assassiné.