Alger envoyée spécial
C'est un appartement calme et beau, en plein centre d'Alger. La lumière qui joue sur les moulures et la rumeur assourdie de la ville semblent les seules choses du dehors à pouvoir s'inviter dans cette intimité. Une cousine orpheline époussète la télevision, un enfant joue dans le couloir, la maîtresse de maison circule en jogging gris, queue de cheval blonde nouée sur la tête. Mercredi, une bombe a éclaté en bas faisant voler la porte d'entrée. Ce n'est rien, comparé aux massacres qu'endurent certains villages, aux existences à bout de peur dans d'autres quartiers de la capitale. A un tas de gravats près, la vie va comme la veille, sans blessures, sans chômage. Un petit miracle. Mais dans son souffle, cette explosion, la première dans les beaux quartiers, a fait voler cette confiance d'une petite classe aisée, algéroise et francophone, cette certitude qu'ici, jamais rien ne pourrait arriver. Chaque jour, en Algérie, la violence gagne de nouveaux cercles.
Bien sûr, ici comme ailleurs, les journées s'étaient comme rétrécies depuis 1992. Plus de shopping, plus de rigolades à la terrasse des cafés, plus de transports en commun. Mais l'été dernier, on continuait à se promener en short, à travers la ville, jusqu'aux piscines des grands hôtels. Un beau-frère militaire est mort il y a quelques mois. Tout le monde a d'abord a cru au terrorisme. En fait c'était un accident. Les études des enfants sont suivies de près, «on a une tante à l'académie», raconte Z., une