Bujumbura, envoyé spécial.
Dix kilomètres de marche n'usent pas les pieds de Léonie. Sur le bas-côté d'une piste rouge, à l'ombre des palmes, elle marche vêtue de son seul pagne vers le centre de Buyengero. Dix kilomètres à l'aube, la même distance au retour, vers midi. Léonie, qui habite sur la colline d'Iginza, s'estime plutôt chanceuse. Au chef-lieu de Buyengero l'attend une foule assoupie dans l'odeur âcre des vêtements sales. Sur le terre-plein boueux de l'église, des femmes surveillent les haricots dans les braseros. Sur les chemins encombrés de sacs, des gamins barbouillés de poussière chassent les mouches et les poulets; des hommes palabrent sous des bâches ou des toitures de feuillage.
Vingt-cinq mille paysans attendent ici tous les jours depuis deux mois: les sacs de graines et les paquets de médicaments, les couvertures des organisations humanitaires et du Programme d'alimentation mondial, installé en contrebas, près des bâtiments administratifs et militaires. Ce sont des réfugiés, comme les pays de cette région en dénombrent tant. Mais d'une espèce particulière, puisqu'ils sont réfugiés chez eux, dans cette bourgade située au creux d'une campagne prospère grâce au thé et à l'élevage de buffles à larges cornes, où l'armée traque des caches de la rébellion hutue.
Innocence, mère de cinq enfants, native de cette région du sud du Burundi, explique: «Moi, je suis de la colline de Mabenza. Un jour, les militaires nous ont appris que nous étions en grand danger à cause d