Menu
Libération

Retour sur des émeutes manipulées. Le pouvoir accusé d'avoir envenimé le sentiment antichinois.

Article réservé aux abonnés
publié le 11 mars 1998 à 22h38

Pamanukan, nord de Java envoyée spéciale.

D'abord, il y a les regards qui se détournent. Les stores de bambou qui retombent. Les discussions qui s'arrêtent au passage de l'étranger. Il règne à Pamanukan une ambiance de gêne vaguement honteuse. Dans cette petite ville située à une centaine de kilomètres à l'est de la capitale, Djakarta, un vent de folie collective a soufflé, et la date du vendredi 13 février restera marquée d'une pierre noire. Ce jour-là, la colère des habitants s'est focalisée à l'encontre de la minorité chinoise installée dans la ville depuis quatre ou cinq générations.

Aujourd'hui, il reste les stigmates du pogrom. De la rue commerçante, occupée majoritairement par les Chinois, il ne reste qu'un tas de ruines fumantes. Les occupants ont fui. En remontant la rue, une inscription à la peinture jaune sur une façade à moitié détruite: «Chinois dehors!» Pour éviter toute équivoque, les autres habitants, de souche indonésienne, ont inscrit leur pedigree: «Ici, magasin musulman.»

Comment expliquer cette brutale poussée de violence? Ces dernières semaines, comme une traînée de poudre, plusieurs villages et bourgs de la région ont connu des pogroms identiques. A la base, assurément, un trop-plein de rancoeur et de frustration. Contre le poids du régime qui tient le pays dans un climat de peur depuis plus de trente ans. Contre la crise économique, qui, à Pamanukan, prend la forme d'une terrible hausse des prix attribuée aux commerçants chinois. On reproche aux Chinois