Djakarta, envoyée spéciale.
«Lorsque Habibie entre dans le bureau de Suharto, l'emploi du temps du Président est à coup sûr bousculé. Leurs conversations peuvent durer des heures alors que les autres ministres, même les membres de la famille, sont expédiés en dix minutes. Les deux hommes ont vraiment une relation particulière.» Un brin d'envie dans la voix, un des rares habitués du palais présidentiel explique que cette «estime réciproque» a permis à l'ancien ingénieur aéronautique de devenir, d'abord ministre de la Technologie et de la Recherche, et aujourd'hui vice-président de l'Indonésie. Habibie a été élu hier, sans surprise, par l'Assemblée consultative du peuple, alors que des milliers d'étudiants protestaient à Yogyakarta en brûlant une effigie du président Suharto, réélu la veille pour un septième mandat.
«Rois javanais». La vice-présidence a, jusqu'à présent, été un poste honorifique, l'intégralité du pouvoir étant détenu par le «roi javanais» Suharto. Mais, dans le contexte actuel, le fauteuil prend une toute autre dimension. Agé de 76 ans et, dit-on, malade, Suharto doit faire face à la plus grave crise de confiance qu'ait connue le pays depuis son accession au pouvoir, voici trente-deux ans. Depuis un an, l'archipel est ballotté de catastrophes en déchirements: incendies de forêts incontrôlables pendant quatre mois, sécheresse exceptionnelle qui met en péril les récoltes de riz, tempête monétaire qui a envoyé la roupie au plancher et plongé le pays dans une crise