Pour accéder à la maison de Jeannette, on emprunte une piste rouge et boueuse qui traverse, au niveau de la rivière Nyabarongo, une immensité de marais. C'est ici, immobile entre les roseaux infestés de moustiques, avec de la vase jusqu'au cou pendant quatre jours, que Jeannette a survécu au génocide. Puis la piste débouche sur la grande rue de Nyamata. De là, on disparaît sur des chemins dans une brousse sauvage parsemée de maisons délabrées. A l'endroit d'un bosquet de palmiers que seule Sylvie, l'assistante sociale et notre guide, peut reconnaître, on continue à pied sur un sentier jusqu'à une palissade de feuilles de palmiers.
Lopin de maïs. En ce début d'après-midi, Jeannette sommeille sur une banquette de bois recouverte d'une couverture poussiéreuse. Elle se repose parce qu'elle a sarclé un lopin de maïs toute la matinée sous un soleil tropical, entrecoupé d'averses diluviennes. Sa cousine Chantal l'a remplacée dans les champs. Ses petites soeurs, Marie-Claire et Vanessa, ne sont pas rentrées de l'école. Wali, un cousin, est assis à terre, silencieux. Il se tient la tête d'une main, comme s'il réfléchissait ou souffrait de migraines. Il est ainsi depuis trois ans et demi.
Jeannette Ayinkamiye habite une maison prêtée par un oncle, qui lui-même vit sur une parcelle de l'autre versant de la butte. La maison est rectangulaire. Trois murs sont en torchis, le quatrième en bâche de plastique fournie par une ONG. Le sol est en terre battue, et la toiture en tô