L'historien Emile Poulat, 77 ans, spécialiste des relations
judéo-chrétiennes, répond aux questions de Libération sur le document du Vatican sur la Shoah.
Pourquoi ce texte vous laisse-t-il insatisfait?
Mes raisons sont différentes de beaucoup de ceux qui critiquent les insuffisances de ce document. Un certain nombre de gens voudraient que le pape, les évêques, l'Eglise aillent plus loin dans la repentance, or je ne pense pas que le problème soit vraiment celui-là. La repentance porte sur le passé, et à la limite il est facile de se repentir du passé des autres et de continuer dans son propre présent. Entre l'antisémitisme raciste qui n'est pas seulement celui de l'idéologie nazie et l'antijudaïsme religieux chrétien, il y a une différence de nature absolue. Pour les catholiques en général, un juif qui se convertissait à la foi chrétienne cessait d'être juif. Pour Edouard Drumont et les racistes qui s'inspirèrent ensuite de ce fatras pseudo-scientifique, un juif, même converti à la foi chrétienne, reste juif de façon indélébile. Mais j'aurais souhaité une réflexion plus poussée sur cette forme contemporaine d'un antijudaïsme ou d'un antisémitisme chrétien qui n'est pas seulement religieux, comme le délire antijuif qui avait saisi la France au moment de l'affaire Dreyfus. Le quotidien la Croix se revendiquait à l'époque comme «le journal le plus antisémite de France». En Italie, il n'y avait par exemple rien de similaire. Il aurait fallu regarder de beaucoup plus près cett