Le 11 janvier 1994, le général canadien Roméo Dallaire, commandant des Casques bleus au Rwanda, envoyait au siège de l'Onu à New York un câble dans lequel, sur la foi des informations d'un certain «Jean-Pierre», il annonçait des massacres à venir (lire Libération du 26 février 1998). Au bout de la chaîne à New York se trouve Kofi Annan, alors chef des opérations de maintien de la paix. La réponse revient: elle est négative. La suite est connue, le génocide allait faire 800000 victimes, et la communauté internationale se montrait incapable de l'empêcher malgré les informations en sa possession.
Kofi Annan s'explique: «Lorsque ces informations nous sont parvenues, le Conseil de sécurité a été informé de ce qui se passait. Mon prédécesseur, Boutros Boutros-Ghali, est fortement monté au créneau sur cette question du Rwanda et a tenté d'embarrasser la communauté internationale pour l'amener à agir. Certains pays membres du Conseil de sécurité avaient même de meilleures informations que nous, mais la volonté d'agir n'existait pas. La volonté politique nécessaire pour dépêcher une force n'existait pas. Or, comme l'a déclaré récemment le général Romeo Dallaire, qui commandait le petit nombre de Casques bleus sur place, avec une brigade de 5 000 hommes bien équipés, on aurait pu sauver des centaines de milliers de vies humaines. Le temps que les troupes arrivent, c'était trop tard, la tuerie s'était produite. Je me souviens d'avoir déclaré à l'époque: si un génocide ne nous pousse pas