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Libération

La mémoire à vif de la dictature argentine. L'anniversaire, hier, du coup d'Etat militaire de 1976 a réveillé des souvenirs difficiles.

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publié le 25 mars 1998 à 21h24

Buenos Aires, de notre correspondante.

«C'est dur d'avoir en permanence le souvenir de tout ce qui s'est passé. Je voudrais pouvoir vivre un peu.» Il parle doucement, appuyé à un gros livre de poésie comme à un radeau. Ce que Claudio, 37 ans, ne peut oublier, c'est une jeunesse brisée par la répression de la dictature. Militant de gauche alors qu'il était encore lycéen, Claudio a connu la prison, la torture, l'humiliation dans un centre clandestin nommé «El Vesuvio». «C'était en 1978, j'y suis resté un an. Trois de mes compagnons ont disparu.» Libéré, il s'exile au Brésil, en revient pour témoigner au procès de la junte militaire. «Mais les juges ne nous laissaient pas parler de ce pour quoi nous luttions, de nos idéaux», dit-il avec amertume.

Solidarité. Il entreprend des études d'anthropologie, une vocation d'enfance. Puis une thérapie. Il a du mal à se fixer, à travailler. Son seul point de repère: l'association d'«ex-détenus-disparus» où il retrouve une solidarité. Et, le 8 mai dernier, son corps «craque». A la suite d'une rupture d'anévrisme, il reste plusieurs semaines dans le coma. C'est un 8 mai, en 1978, qu'il avait été séquestré. En convalescence, il suit aujourd'hui une autre thérapie.

En Argentine, ce mal de vivre touche, à différents degrés, tous ceux qui ont été victimes du terrorisme d'Etat, leurs familles, leurs proches. En faisant disparaître les corps des opposants, les militaires avaient tenté d'effacer toute preuve de leurs exactions. Pour l'entourage de l