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Libération

Rwanda : les exilés de l'intérieur. Le retour des réfugiés a plongé le pays en plein chambardement démographique. Avec des Hutus à la campagne et des Tutsis en ville.

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publié le 30 mars 1998 à 21h42

Kigali, envoyé spécial.

Autrefois, Jocelyne habitait la ville de Butare, où elle était née, ainsi que son mari et ses six enfants. Aujourd'hui, le mari est en prison. Jocelyne vit à Cyangugu, ville frontalière au sud-ouest du Rwanda, au bord du lac Kivu. Avant guerre, elle travaillait derrière un guichet social de la préfecture; maintenant, elle vit de petits trafics agricoles sur le grand marché et habite une maison bondée. Chaque fois qu'elle croise des gens venant de Butare, distant de 150 kilomètres, elle demande des nouvelles. Elles sont bonnes. La ville est beaucoup plus calme que Cyangugu. Sa maison est vide, son guichet fermé. Quand on lui demande pourquoi elle ne rentre pas, elle répond: «Là-bas, pour moi, la sécurité n'est pas sûre.» L'est-elle plus ici? «Ici, on n'est pas loin du Zaïre.» Jocelyne faisait partie de la foule de réfugiés revenue au Rwanda à l'automne 1996, après trente mois dans un camp près de Bukavu.

«Suspicion». A Butare, le rendez-vous nocturne de l'intelligentsia est la terrasse de l'Ibis, sur la rue principale. Tard dans la nuit, des intellectuels parlent politique. Ici, une tablée de professeurs zaïrois, entendez des Tutsis de Goma; là, des hauts fonctionnaires burundais: des Tutsis de Bujumbura. Butare, siège de l'université du Rwanda, s'est toujours distingué par sa douceur de vivre. Mais ce charme a changé de ton puisque les neuf dixièmes du corps universitaire ont été renouvelés. A Butare, on ne remarque pas de présence militaire. Mais, i