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Libération

Qui condamner? Comment intervenir? Les intellectuels français divisés.

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Certains dénoncent le danger islamiste, d'autres s'interrogent sur le rôle de l'Etat.
publié le 4 avril 1998 à 0h19
(mis à jour le 4 avril 1998 à 0h19)

A force de massacres atroces, la tragédie algérienne a franchi la Méditerranée et divise les intellectuels français. Les uns revendiquent de n'évacuer ni le poids de l'Histoire, ni un questionnement sur les pratiques troubles de l'Etat algérien. «Ce serait irrecevable pour un intellectuel», commentent-ils à l'instar du philosophe Jacques Derrida, lui-même né en Algérie. Les autres, arc-boutés au «danger islamiste», disent refuser que l'Histoire serve d'alibi. Une histoire commencée en 1830, avec une colonisation française qui déploya une violence inouïe et dont la tradition a déteint sur ceux qui combattaient pour la libération de leur pays. Ainsi, Bernard-Henri Lévy se demande, après un reportage controversé en Algérie ­ il faisait totalement l'impasse sur les exactions commises par l'Etat ­ «si les femmes de Relizane seront plus avancées le jour où elles comprendront que les assassins de leurs fils sont les lointains descendants du bey d'Alger et de Bugeaud». La question peut sembler pur débat d'école. Elle cache cependant une divergence essentielle sur le diagnostic de la crise et sur les responsabilités dans le déclenchement d'un conflit qui a fait au moins 100 000 morts en six ans. «Le crime, qui est le fait des GIA avec la complicité d'autres forces islamistes, a pris une telle proportion que son caractère monstrueux l'emporte sur tout le reste», estime l'écrivain Jacques Julliard.

Cette position tranchée est loin du constat dressé par l'historien Pierre Vidal-Naquet,