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Libération

Mission sur le Rwanda : plaidoyer pour la France. «Pourquoi avoir invité les spécialistes?». Jean-Pierre Chrétien s'interroge sur l'intérêt de la mission.

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par Jean-Pierre Chrétien
publié le 22 avril 1998 à 23h22

Jean-Pierre Chrétien, spécialiste de l'Afrique des Grands Lacs au

CNRS, a témoigné le 7 avril devant la mission sur le Rwanda. Il livre ici sa surprise face à la manière dont certains parlementaires mènent leur mission.

Voilà des décennies que des historiens ou des anthropologues français travaillent sur l'Afrique des Grands Lacs. Depuis 1990, certains essaient plus ou moins vainement de faire bénéficier leur pays de leur connaissance du Rwanda. En ce printemps de 1998, les voici enfin invités, au moins quatre d'entre eux, à expliquer, devant un aréopage représentant la Nation, ce qui a pu conduire ce pays d'Afrique au troisième grand génocide du siècle et la position de «la France» dans cette tragédie.

Comment ne pas être satisfait de cette initiative de Paul Quilès, de cette remarquable accélération de la curiosité pour la politique africaine de Paris? En me présentant le 7 avril, date anniversaire du génocide, comment ne pas penser à mes anciens étudiants disparus, et ne pas mesurer l'exigence intellectuelle et morale que représentait cette audition? L'exposé, fait en toute liberté, est écouté attentivement. Mais quel sens donne-t-on exactement à une intervention de ce genre? L'ambiance est étrange, un peu inquisitoriale. D'après certaines déclarations, l'objectif serait d'expliquer le présent par le passé, notamment par l'antagonisme séculaire des «ethnies» hutu et tutsi, comme si l'historien était un notaire chargé d'enregistrer les responsabilités d'autrefois pour exonér