Djakarta de notre correspondant
«Nous sommes une nation en deuil», lançait hier matin Amien Rais, le leader d'une des deux plus grandes ligues musulmanes indonésiennes. En deuil et en sang. Vingt-quatre heures après le carnage survenu sur le campus de l'université de Trisakti, les affrontements se poursuivaient hier dans plusieurs quartiers de la capitale, faisant, en fin de journée, au moins un mort et quinze blessés.
La journée avait commencé dans l'émotion et le recueillement: plusieurs milliers d'étudiants et de sympathisants s'étaient rassemblés à Trisakti pour rendre un dernier hommage aux victimes de la veille. Des hommes et des femmes profondément choqués par la violente charge des militaires. Mais aussi des personnalités politiques de premier plan, parmi lesquelles Amien Rais, Megawati Sukarnoputri, la leader déchue du Parti démocratique indonésien, et l'ancien gouverneur de Djakarta, Ali Sadikin. Un haut-parleur baignait la foule des paroles d'Imagine, l'hymne à la paix composé par John Lenon, tandis que les étudiants portaient au bras ou au front un morceau de tissu noir, en signe de deuil, criant «A bas Suharto» ou «Suharto démission».
Plus tard dans la journée, la situation a dégénéré. Une foule nombreuse a rejoint la manifestation étudiante, sur un mode plus violent et plus destructeur. Comme pris de folie, des individus ont commencé à mettre à sac les environs du campus, incendiant une station service ainsi que plusieurs véhicules. La police a dû fermer l'autoro