Djakarta de notre correspondant
Juché sur un escabeau, un homme note, dans un petit carnet, le nombre des corps brûlés que déchargent les ambulances. Dans un silence mêlé d'effroi, la foule s'agglutine aux portes de la morgue, située à l'intérieur de la faculté de médecine de l'université de Djakarta. L'odeur prend à la gorge et chacun presse son mouchoir contre sa bouche pour pénétrer à l'intérieur de la petite pièce sombre dans laquelle les cadavres sont alignés au sol, certains pas encore sortis des sacs-poubelle noirs dans lesquels ils ont été transportés. Une femme éclate en sanglots: entourée par ses proches, elle vient de reconnaître parmi les visages calcinés, un membre de sa famille, lui aussi brûlé vif dans l'un des deux supermarchés de Djakarta, incendié, hier, par les pillards. Il sera emballé dans un grand tissu jaune et déposé sur la plate-forme arrière d'un pick-up. Direction: Djakarta Est. Le domicile de la victime.
En milieu d'après-midi, plus de 100 corps avaient été transportés dans cette morgue du centre de Djakarta. Mais le bilan provisoire des incendies s'élevait en fin de soirée à près de 250 morts, victimes d'un implacable scénario: des pillards mettent le feu à un supermarché alors que des dizaines d'autres pillards se trouvent dans les étages supérieurs. Preuve que malgré un relatif apaisement, les esprits étaient loin d'être calmés dans la capitale où une répression semble s'annoncer. «Le président Suharto a demandé à ses ministres de prendre des m