Djakarta envoyés spéciaux
Le Parlement a été de nouveau pris d'assaut, hier, par plusieurs dizaines de milliers d'étudiants venus de tous les campus de la capitale. Acheminés par des bus affrétés par les universités, les premiers arrivés ont été accueillis par une haie d'honneur de bérets verts (unités d'élite de l'armée de terre) qui avaient ordre de ne pas intervenir. Les étudiants en ont profité pour investir l'endroit, dans une ambiance de fête sans précédent. Alors que le flux des manifestants ne cessait de croître, le Parlement, l'un des lieux sacro-saints du régime de l'«Ordre nouveau» du Président, où le protocole a toujours été des plus stricts, a été littéralement transformé en temple de la contestation.
Marée humaine. Le toit du bâtiment principal, fait de deux demi-sphères géantes, s'est hérissé de silhouettes chantant leurs slogans à l'unisson tout en agitant des drapeaux indonésiens (rouge et blanc). Une cinquantaine de cadets de l'Ecole de la marine n'ont pas tardé à rejoindre la marée humaine. Les jeunes, qui, dans leur quasi-totalité, n'étaient pas nés lorsque Suharto est parvenu au pouvoir, en 1965, ont rivalisé d'ingéniosité pour exiger la démission du vieux Président: banderoles, chants, poèmes, caricatures, discours, forums un authentique festival de la liberté de parole, comme Djakarta n'en avait jamais connu. «Suharto, le corrompu», «réforme oui, chaos non», «Président démission», chante-t-on ici sur un rythme soutenu par des tambours improvisés et de