Djakarta envoyé spécial
Des enfants pieds nus jouent au football sur Jalan Thamrin, l'une des immenses avenues vides de la capitale, sous les regards distants de soldats avachis sur un tank, jouant, quant à eux, avec leurs armes. Pendant la nuit de mardi à mercredi, l'armée a pris position à tous les carrefours stratégiques de Djakarta. Dans la pénombre, des centaines de tanks et d'automitrailleuses se sont tapis autour de la résidence présidentielle et sur la place Merdeka (Liberté), où les étudiants et l'opposition avaient prévu de tenir une gigantesque manifestation pour exiger sur-le-champ la démission du président Suharto. Dominée par une immense colonne de marbre néo-classique surmontée d'une flamme dorée, la place, habituellement encombrée par les embouteillages, a été transformée en camp retranché. Elle sert d'aire d'atterrissage pour les hélicos militaires.
Ce déploiement de loi martiale avait pour objectif d'épargner au maître de l'Indonésie l'humiliation que lui aurait infligée la vue de centaines de milliers de manifestants conspuant le «dictateur corrompu». La stratégie de la terreur, qui a toujours fait partie du registre du régime, a eu l'effet désiré: Amien Rais, le principal leader de l'opposition, a déclaré hier à l'aube dans un bulletin diffusé sur toutes les radios que la marche était annulée afin d'éviter un bain de sang. Plus tard, il a relaté avoir rencontré pendant la nuit un «général». «Ce général m'a dit clairement qu'il n'hésiterait pas un instant