Djakarta, envoyée spéciale.
Devant la prison de Cipinang, à Djakarta, elle semble toute petite derrière son énorme bouquet de fleurs, enrubanné dans une banderole: «Meilleurs voeux de la part du SBSI» (le Syndicat des ouvriers prospères d'Indonésie, ndlr). Comme à peu près tout ce qui touche à la politique sans appartenir à la sphère du pouvoir, le SBSI est interdit en Indonésie. Cela fait des années qu'elle y milite en clandestine, des années qu'elle est régulièrement arrêtée par la police, des années qu'elle ne garde jamais un boulot plus de six mois, «le temps qu'un mouchard met à nous dénoncer au patron». 34 ans, 3 enfants et, pour la première fois, elle affirme, là, en pleine rue qu'elle est «une camarade». Elle sourit, confuse. «Je sais que je devrais dire quelque chose de grand mais on est mal à l'aise avec la liberté.» Et elle reste plantée, toute droite, berçant son bouquet comme un bébé en attendant un militant emprisonné qui, peut-être, sortira tout à l'heure.
Bonne volonté. Nommé après la chute de Suharto la semaine dernière, Habibie a annoncé hier la libération de «plusieurs détenus politiques» et un assouplissement des «lois contre la subversion», soucieux de montrer sa bonne volonté dans le domaine des droits de l'homme. Alors, devant la prison de Djakarta, une petite foule s'est rassemblée dès le matin, ceux qui, depuis des années, s'activaient en secret. Soudain sortis de l'ombre, ils gardent les yeux baissés. De temps à autre, quelqu'un risque un slogan. Enfi