Mince, voûté et le cou emmitouflé dans son éternel foulard de soie,
Ibrahim Rugova, le leader des Albanais du Kosovo, est pour une fois rayonnant. «Malgré la situation très difficile que nous vivons, nous avons l'assurance que l'Occident est uni pour protéger le peuple du Kosovo et stopper l'exode», souligne l'écrivain deux fois en 1992 et en 1998 triomphalement élu président de l'autoproclamée «république du Kosovo» lors d'élections parallèles non reconnues par Belgrade ni officiellement par la communauté internationale.
Mais les temps ont changé. Il a été reçu samedi à l'Elysée avec tous les honneurs, et le président Jacques Chirac, à l'issue d'un entretien de plus d'une heure, a exigé, dans une déclaration publique, «la cessation des hostilités» et de «l'agression serbe» sous menace d'intervention militaire, dénonçant leur «volonté de purification ethnique». Rugova arrivait de Londres où le Premier ministre Tony Blair lui avait tenu peu ou prou les mêmes propos. Quelques jours auparavant, il avait rencontré Bill Clinton à Washington. «C'est l'existence même du peuple du Kosovo qui est aujourd'hui en jeu; il faut arrêter les opérations serbes qui entraînent cet exode et créer un climat pour permettre aux négociations de réussir», souligne le leader de la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) qui, depuis une décennie, défend une stratégie de résistance civile de masse pour obtenir «l'autodétermination» de cette région du sud de la Serbie, peuplée à 90% d'albanais de souche,