Istanbul, de notre correspondant.
J'ai écrit un article et ils m'ont condamné à dix mois de prison. Et aujourd'hui à 11 heures, je me rends (physiquement et non professionnellement!) au bureau du procureur d'Istanbul, qui va m'envoyer à la prison de Saray, district de Tekirdag, en Thrace, à 190 km au nord-ouest d'Istanbul. Je serai accompagné d'un policier et de plusieurs dizaines de mes collègues journalistes. Car en Turquie, le départ d'un copain ou d'un collègue en prison demande une série de cérémonies: depuis une semaine, mes amis de lycée, des quotidiens, ex-camarades maoïstes, correspondants étrangers basés à Istanbul, et mes amis de quartier et des stades de foot m'invitent à des dîners d'adieu. Ils m'ont déjà offert des pyjamas, des sous-vêtements, des livres et des disques: la Passion du football, de Patrick Mignon, Géopolitique du chaos, d'Ignacio Ramonet, le coffret de CD le Cahier de Maxime Le Forestier avec 84 chansons de Brassens" J'aurai donc le temps d'écouter des disques, de lire, voire de traduire ces deux livres. Depuis jeudi dernier, en moyenne six collègues de la presse écrite et de la télévision m'ont interviewé chaque jour. Je ne croyais pas que les médias turcs accordaient autant d'importance à la question des libertés.
Alors, bien entendu, je ne suis pas heureux mais je ne suis pas triste non plus, ni d'ailleurs en colère. Mais il est sûr qu'il y a une grande injustice. Car les ex-responsables du gouvernement accusés de l'assassinat de milliers d'inn