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Libération
Reportage

Reportage à la fontière entre l'Erythrée et l'Ethiopie. Une guerre pour des miettes de terre. Les deux pays frères font resurgir des rancunes séculaires.

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publié le 17 juin 1998 à 3h44

Zalambessa envoyée spéciale

Sur les hauteurs du plateau, d'immenses entailles brisent brusquement la roche, ouvrant des précipices, des gorges hérissées d'arêtes et d'arbustes tordus, des à-pic qui n'en finissent pas. Parfois, lorsque la pente s'apaise un peu, s'accrochent dans un repli de roc, juste au-dessus du vide, de petits tas de pierres. Presque rien, quelques cailloux empilés, murés par de la boue, troués d'une ouverture. Ce sont des maisons. Sur le sentier, un gosse pousse un chameau le long d'enclos. Pas de terre, pas de sillon. Des pierres encore, un peu de poussière, et quelques plants qui percent ça et là, frisant sous les bourrasques. Ce sont des champs. Plus loin, des femmes sont rassemblées autour d'un éboulis. Certains jours, dit-on, de l'eau en coule. C'est la fontaine. Et tout autour, partout, il y a cette couleur jaune, un ocre minéral qui teinte jusqu'aux buissons, plaqués si près du sol qu'ils semblent fossilisés.

Ici, juste après la ville de Zalambessa, l'armée érythréenne a creusé ses tranchées et aligné quelques chars soviétiques, butin d'une autre guerre. En face, à peine quatre kilomètres plus loin sur la crête d'une montagne, qui ressemble à une termitière, se sont installées les troupes éthiopiennes. Ici, on meurt pour tenir Zalambessa, 5 000 habitants, connus pour vendre du miel et du café.

La ligne de front suit celle de la frontière qui sépare le sud de l'Erythrée et la région éthiopienne du Tigré, vers l'ouest, avec trois noeuds principaux de c