Asmara envoyée spéciale
Tous les jours, ils se retrouvent dans le même bar, au centre d'Asmara. Ils portent la chemise blanche, le costume sombre, le borsalino, qu'ils coiffent crânement, comme les colons italiens il y a plus de un siècle. Et ils boivent l'expresso, une tasse minuscule qu'ils arrivent à ne jamais vider, des heures durant, où chacun évoquera, une fois encore, ces trente années de guérilla menée contre les troupes éthiopiennes de Mengistu jusqu'à la libération puis l'indépendance de l'Erythrée, en 1993. Ensuite, ils repartent à pied, vers les quartiers du nord, parce qu'ils n'ont pas en poche ce billet de 1 nakfa (80 centimes) qui permettrait de prendre le bus.
Délégation de l'OUA. Cette fois, ils se sont cotisés pour affréter une voiture et s'entassent, à l'aube, attentifs à leurs chapeaux. Des enfants applaudissent discrètement. Direction la ligne de front, dans le sud du pays. Là bas, depuis le 12 mai, un problème de tracé frontalier autour de quelques villages s'est transformé en une nouvelle guerre entre l'Erythrée et l'Ethiopie, pour laquelle une délégation de l'OUA va tenter ce week-end une dernière négociation. «Nous sommes trop vieux pour les armes, dit l'un des quatre. Mais nous voulons voir de quoi cela a l'air. C'est plus fort que nous.»
Dans ce pays de 3 millions d'habitants, où tout le monde ou presque a vécu dans le maquis pendant des décennies, on a remis le treillis sans une plainte. Au début du conflit, avant qu'aucun communiqué officiel soit