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Libération

La chronique des valeurs. Au Liban, la plage des potences. Comment une pendaison publique a ouvert le débat sur la peine de mort.

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publié le 23 juin 1998 à 4h10

Beyrouth, envoyé spécial.

Il faut parfois que se produise l'innommable pour que se brise le silence. Depuis un mois, depuis que Wissam Issa et Hasan Abou Jabal, deux jeunes reconnus coupables de meurtres, ont été pendus en public «pour l'exemple» dans le petit village de Tabarja, à 30 km au nord de Beyrouth, le Liban est sous le choc. Depuis ce 19 mai de triste mémoire, Walid Sleibé, militant au sein du Mouvement pour le droit des personnes, court de conférence en table ronde. Ce jour-là, il anime un débat à l'école Sainte-Maryse d'Aïn Mraïsseh, à Beyrouth. Entre élèves, le dialogue s'installe. «Celui qui a commis un crime, il faut l'empêcher de recommencer», entame une jeune fille. «On ne corrige pas le mal par le mal», répond sa voisine. Une brunette de 15 ans s'emporte: «De l'argent, on en a pour construire un casino mais pas pour réparer les prisons.» Toutes les élèves ont vu les pendus de Tabarja à la télévision. En 1995, surpris lors d'un cambriolage dans une villa, ils avaient abattu les propriétaires, un jeune couple.

L'ensemble des chaînes du pays ont filmé l'exécution. L'arrivée un peu avant l'aube des deux condamnés, âgés de 24 et 25 ans, aussi blancs que leurs polos; la foule, obscène, 1 500 personnes venues jusque de Beyrouth, des fêtards sortant des night-clubs. La potence dressée sur la place du village, face à la mer . Le bourreau en cagoule portant un condamné dont les genoux se dérobaient, le poussant pour qu'il ne s'agrippe pas aux bords de la potence.

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