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Libération
Interview

Le président érythréen raconte sa version du conflit avec l'Ethiopie. «J'ai téléphoné à Meles: tu as tué nos gens...» Anciens frères d'armes, les leaders des deux pays se retrouvent face à face.

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publié le 25 juin 1998 à 4h20

Asmara, envoyée spéciale.

Pas d'émotion, surtout. Dans son bureau d'Asmara, le président érythréen Issaias Afeworki répète la phrase comme une prière. L'ancien maquisard a toujours veillé à tenir ses sentiments en laisse. Il refuse que sa photo soit accrochée dans les bâtiments officiels, lâche son âge comme une faveur: 52 ans. Raide jusqu'à en être parfois brutal. En 1997, il a congédié comme des domestiques des pays donateurs parce que «le pays n'a pas besoin d'aide».

«Dès les années 50, les jeunes gens d'Erythrée n'avaient qu'un but: libérer leur pays de l'annexion éthiopienne, explique un de ses proches. Issaias était comme eux tous, sacrifiant tout pour entrer dans la clandestinité. Mais il avait quelque chose en plus: il savait exactement comment il fallait faire. Il a cette capacité de tout organiser, depuis la vision géopolitique sur trente ans jusqu'au plus petit détail administratif.»

Issaias Afeworki, l'intellectuel aux visions fulgurantes, doit pourtant aujourd'hui raconter une des rares choses qu'il n'avait pas prévues dans sa vie: pour une dérisoire affaire de frontière, une guerre a éclaté le 13 mai entre l'Erythrée et l'Ethiopie, qui s'étaient juré une amitié fidèle. L'histoire semble d'autant plus incompréhensible que les dirigeants des deux Etats avaient mené ensemble une guérilla victorieuse contre le régime sanguinaire de Mengistu. Dans les maquis marxistes des années 70, les deux hommes avaient scellé d'un pacte l'union de leurs forces armées. Entre Meles