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Libération

Le chanteur symbole assassiné en Algérie

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Matoub Lounès, une voix kabyle réduite au silence. Blessé en 1988, enlevé en 1994, le chantre de la culture et de la langue kabyles a été tué par balles près de Tizi Ouzou.
publié le 26 juin 1998 à 4h25

Peu après 13 heures hier, à quatre kilomètres de la capitale de la Kabylie, Tizi Ouzou, la voiture de Matoub Lounès a été prise sous le feu d'hommes armés qui l'attendaient dans un virage. Le chanteur, âgé de 42 ans, a été tué sur le coup. Sa femme et ses deux belles-soeurs, grièvement blessées, ont été emmenées à l'hôpital de Tizi Ouzou, où repose également la dépouille de l'artiste. Devant l'hôpital, un attroupement s'est aussitôt constitué, empêchant le passage du ministre algérien de la Santé, accouru sur les lieux. Quelques jets de pierres sur des vitrines se sont également produits dans la rue principale de la ville, où les magasins ont baissé leurs rideaux de fer en signe de deuil. Matoub Lounès se rendait dans son village de Taourirt-Moussa, où il sera inhumé dimanche. Il n'était pas accompagné de la protection rapprochée qui le suit généralement. Cet assassinat de l'une des personnalités les plus symboliques de Kabylie, animateur du «printemps berbère» de 1980 à Tizi Ouzou, pourfendeur de l'intégrisme, mais aussi de l'arabisation de la société par le pouvoir, déjà victime d'un spectaculaire enlèvement en 1994, a suscité une immense émotion en Algérie comme à l'étranger. Beaucoup redoutent que cette région relativement épargnée par la guerre civile depuis cinq ans soit à son tour entraînée dans l'engrenage. De Windhoek (Namibie), où il effectue une visite officielle, Jacques Chirac a dénoncé un «lâche assassinat (qui) suscite l'indignation de tous les gens civilisés.