Luanda, envoyée spéciale.
C'est sans doute l'heure où Luanda ressemble le plus au rêve luso-tropical de ses anciens colons. Des voitures de luxe longent la baie bordée d'une allée de palmier. Le coucher de soleil rosit les quelques bâtiments repeints de neuf. Une minijupe orange disparaît dans une Mercedes métallisée. Un policier rançonne un imprudent qui roulait sur la Marginal dans une voiture trahissant un statut social médiocre. La Marginal, ce sont les Champs-Elysées de la capitale angolaise. L'avenue sur laquelle il est bon d'avoir son bureau, celle qui va du port, poumon économique de Luanda, au pont qui mène à l'Ilha, une bande de sable où l'on se retrouve pour déjeuner le dimanche au bord de la plage. Un marché d'affamés. A un pâté de maison de là, au bas d'une tour qui ne défigurerait pas la banlieue de Varsovie, une cinquantaine de personnes attendent, immobiles autour d'un cercueil, un croque-mort qui ne vient pas. Dans l'obscurité du patio d'une ancienne demeure coloniale, des familles vivent sous des bâches accrochées aux colonnes. Entre deux immeubles décrépis s'est installé un bidonville d'où sort le pasteur de l'une des sectes qui ont envahi Luanda. Des murs de parpaings montent un peu partout, dans la plus grande anarchie, jusque sur les toits des immeubles, entre parabole et poulailler. Au-delà du port, c'est Roque Santeiro, un nom emprunté à une novella brésilienne. En version angolaise: un marché d'affamés, des étals couverts par la poussière des emboute