Le constat est amer. «Devoir mettre fin à une mission, c'est
abandonner des populations qui ont certainement des besoins importants», regrette Jacky Mamou. «Mais les conditions de travail en Corée du Nord ne sont vraiment pas acceptables du point de vue de l'éthique humanitaire, souligne le président de Médecins du monde; il faut renégocier notre cadre d'intervention pour que l'aide arrive réellement aux populations.»
En attendant, les French doctors ont préféré arrêter là l'expérience, après six mois de lutte avec une bureaucratie paranoïaque, pour tenter de faire vivre un programme nutritionnel et chirurgical dans la province de Hamgyong. Les témoignages des quatre membres de l'équipe, rares étrangers à avoir pu séjourner au pays de Kim Jong-il, sont une anthologie de tracasseries policières. «Notre but était l'assistance, au contact direct avec les populations dans une situation d'urgence, explique le nutritionniste Pierre Capitaine, seulement, nous étions privés de liberté de mouvement, de la liberté de communiquer, du droit de soigner les patients, d'accès aux gens ou aux informations pour faire des évaluations ou des bilans. Nous étions logés dans un hôtel gardé le jour par des civils, la nuit par l'armée. Nous devions planifier toutes nos rencontres une semaine à l'avance. Les visites directes étaient interdites, de même que toute discussion qui ne passait pas par un interprète politique qui filtrait toutes les questions, faisait lui-même les réponses ou refusait simp