Belfast, envoyé spécial.
Minuit sonne au clocher d'une église, et la nuit de Belfast s'embrase. Comme allumés par une seule main, les bûchers unionistes crachent leurs flammes vers le ciel à la mémoire de Guillaume d'Orange, monarque batave qui défit les armées catholiques sur les rives de la Boyne. Car cette bataille décisive, du 12 juillet 1690, voilà maintenant plus de trois siècles que les protestants de l'Ulster n'ont de cesse d'en fêter chaque année la victoire. Et les accords de paix semblent n'y rien changer. «Parades des confréries orangistes, feux de joie dans les quartiers loyalistes, des fifres, de l'alcool et, pour finir, descentes musclées chez les papistes. On connaît la musique», résume brutalement Frances McAuley, porte-parole du comité des résidants de Springfield. Sur Springfield Road, frontière nord du fief nationaliste des Falls, les habitants n'ont que trop souffert de ce cycle infernal. Trottoir de gauche, une rangée de maisonnettes aux fenêtres recouvertes de grillage, les façades de brique maculées de peinture, écornées par les pierres, parfois marquées d'impacts de balles. En face, un mur façon Berlin, plusieurs fois rehaussé, coiffé de pointes acérées, surveillé par des caméras. Derrière ce sinistre rideau de fer, brillent les brasiers de Shankhill, bastion des paramilitaires, les milices protestantes radicales.
«L'an passé, au coin de cette rue, un voisin a été tué par un tireur, rapporte Frances McAuley, et, il y a deux jours, une centaine de loy