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Libération

En Irlande du Nord, le blues orangiste. Débordés, les manifestants de Portadown envisagent de lever le siège.

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publié le 14 juillet 1998 à 5h53

Portadown, envoyé spécial.

Prostré, les yeux rivés à son porridge, Joe peine à affronter le regard des autres et plus encore celui de sa conscience. Huit jours déjà qu'il campe dans le verger de la paroisse de Drumcree, au pied du clocher de la chapelle, sur les hauteurs de Portadown. Arrivée triomphante. Protestant pratiquant, unioniste convaincu, Joe entendait parader sous les bannières de l'ordre d'Orange à travers les quartiers catholiques, comme il le fait chaque année depuis son enfance. «Une tradition et un droit» qu'il convient de défendre quand on voit dans le processus de paix en Irlande du Nord, «une menace contre la culture protestante». Mais hier, le doute avait entamé jusqu'au carré des derniers irréductibles, quelques centaines de loyalistes qui refusent d'accepter le déroutement de leur marche hors du secteur républicain de Garvaghy Road. Et Joe envisageait d'atteler sa caravane. Sans avoir défilé. Pas que ses convictions aient changé. C'est le moral qui flanche, miné par une semaine d'échauffourées avec la police royale d'Ulster (RUC) et les parachutistes de l'armée britannique.

L'acharnement de certains Orangistes, face à des forces de l'ordre recrutées presque exclusivement dans les rangs unionistes, a traumatisé la communauté protestante hantée par le spectre de la division. Joe n'a toujours pas retiré son sweat-shirt maculé de sang. Une longue estafilade lui barre le front. Mais sa blessure est autre. «Tout ceci est très douloureux. Pendant des années, les