Svinjare, envoyée spéciale.
A l'entrée de ce village serbe, il faut montrer patte blanche, arrêter sa voiture derrière la chicane obstruant à demi la route, montrer ses papiers et surtout ne pas être accompagné d'un traducteur albanais. A Svinjare, on ne plaisante pas avec la discipline, et ce n'est que dûment accompagnés de deux hommes, dont l'un peine à caser verticalement son fusil dans la voiture, que l'automobiliste peut poursuivre sa route jusqu'au centre du village, à vrai dire un simple hameau qui abrite cent-trente familles.
Querelle. Svinjare est depuis cinq semaines sur le pied de guerre. L'ennemi est le hameau albanais voisin, celui de Pantina, dont on voit les premières maisons au bout de la route. Bien sûr les deux villages ont des interprétations totalement divergentes de l'origine de leur querelle. Les Svinjariens expliquent que tout a commencé quand les Pantinois ont enlevé un des rares couples de Serbes qui vivaient encore dans leur localité. Les Pantinois assurent que les Svinjariens ont laissé entrer des renforts de la police serbe pour attaquer leur village et brûler leurs maisons.
Quoi qu'il en soit, une chose est sûre: les rares Serbes de Pantina ont quitté leurs foyers et les rares Albanais de Svinjare ont abandonné leurs demeures. Les deux hameaux ont évacué femmes et enfants et se regardent en chiens de faïence. Ils tirent aussi quelquefois, ce dont témoignent ces deux vigiles albanais blessés. Les Pantinois arborent aujourd'hui l'insigne de l'Armée