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Libération

Meurtres en série dans le désert mexicain.A la frontière avec les Etats-Unis, la ville de Ciudad Juárez aligne ses usines, ses quartiers chauds. Et affiche une vitalité que n'affecte pas les découvertes régulières de cadavres de jeunes filles.

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publié le 8 août 1998 à 9h01

Ciudad Juárez envoyé spécial

«Quelle chance j'ai!» L'insolent manifeste qui enlumine le pare-brise d'un autobus en service sur l'avenue Triunfo de la Republica pourrait être la devise des gens de Ciudad Juárez s'il n'y avait un sanglant revers à ce prétendu bonheur. Depuis cinq ans, il ne se passe pas de mois sans qu'on retrouve, dans le désert encerclant la grande cité, le cadavre d'une ou de plusieurs jeunes femmes, tantôt momifié par la dessiccation, tantôt réduit à l'état de squelette sous les morsures du soleil et des coyotes. Dernière et 118e victime en date, une collégienne de 15 ans. Brenda Meléndez Vasquez a été enlevée dans la nuit du 27 au 28 juin, violée par plusieurs individus, mutilée et finalement étranglée. Elle est la vingt-troisième femme assassinée cette année.

Ville jumelle. Apparemment indifférente à ces meurtres en série, la ville étale sans complexes une vitalité enfiévrée face à El Paso, sa voisine et rivale américaine, plus ordonnée, plus aseptisée, embourgeoisée, qui campe sur l'autre rive du rio Grande, côté nord. C'est au milieu du siècle dernier que l'histoire a coupé en deux la commune originale, fondée en 1659 à la bordure de l'Etat du Chihuahua et d'un Texas qui était encore territoire mexicain. Rebaptisée Paso del Norte, la portion restée mexicaine a de nouveau changé de nom pour honorer la mémoire du président Juárez, qui y avait exilé son gouvernement lors de l'occupation française, jusqu'à la reconquête du pouvoir et l'exécution de l'empere