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Libération

La cave ressuscitée d'un naufrage de 1916 en Suède. Le cognac est fichu, le champagne, cuvée «Titanic», a survécu.

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publié le 12 août 1998 à 9h14

Stockholm de notre correspondant.

L'ambiance avait l'air sinistre. Pour le moins tendue. Dans un hangar des douanes suédoises de l'entrepôt n° 6 de Frihamnen, le port de Stockholm d'où partent les bateaux vers les pays baltes, une douzaine d'hommes étaient silencieusement réunis récemment autour de quelques tonneaux maculés de boue. Sur l'un d'entre eux, une longue éprouvette remplie d'un liquide jaunâtre semblait retenir l'attention de toutes les personnes présentes. Méticuleusement, un homme cravaté qui avait tombé la veste, un peu détonnant au milieu des autres en ciré boueux ou en parka mouillée, rendait son verdict, avec autant de tact que possible, après l'examen des 17 fûts de 600 litres: non, ce liquide sans nom n'était vraiment pas du cognac. Quatre-vingts ans passés au fond de la mer Baltique avaient eu raison de la moindre goutte d'alcool. Rêves envolés. Dans un coin du hangar, un peu dans l'ombre, Claes Bergvall et Peter Lindberg ne purent cacher leur immense déception que sous un épais masque de fatigue accumulée au cours de ces dernières semaines. Mais leurs rêves de milliards s'envolaient bel et bien. En découvrant voici un an l'épave du navire le Jönköping, les deux Suédois avaient pourtant cru leur fortune faite. Ce bateau de 25 mètres, parti du port de Gävle, à 200 km au nord de Stockholm, fin octobre 1916, avait été coulé par un sous-marin allemand le 3 novembre suivant. L'équipage avait été sauvé, mais la cargaison avait coulé à pic, à 40 km au large de l