Brazzaville envoyé spécial
La nuit est tombée sur le fleuve Congo, qui, à l'endroit le plus resserré entre Kinshasa et Brazzaville, est large de 3 km. Le cône lumineux du Ngobila glisse sur des eaux boueuses. Le vieux ferry n'a qu'un seul projecteur sur le toit, qui balaye le port fluvial de Brazzaville. Peu après 19 heures, quelque 270 expatriés fuyant Kinshasa y débarquent exténués, mais soulagés de s'en être sortis. En face, la capitale de Kabila semble condamnée à tomber aux mains des rebelles. A défaut d'organiser sa défense, le régime aux abois attise le ressentiment contre «les Occidentaux, complices des envahisseurs rwandais et ougandais». Les étrangers, surtout les Français, sont de facto pris en otages.
Grève du zèle. Depuis le mot d'ordre d'évacuation, lancé vendredi, le Ngobila est le seul bateau ayant pu traverser le fleuve. C'était samedi soir. Toute la journée, près de 500 expatriés ont attendu sous un soleil brûlant pour accomplir les formalités de départ. Les autorités ont fait la grève du zèle. Un par un, après une fouille approfondie de tous leurs bagages, les inscrits sur une liste d'évacuation établie par l'ambassade de France ont passé le grillage délimitant l'embarcadère. Le consul de France n'a pas été autorisé à franchir cette barrière, pour prêter assistance aux familles attendant de l'autre côté. Au milieu d'occasionnelles bousculades, provoquées par des soldats menaçant de se servir de leur ceinture pour faire refluer la foule, quelque 270 hommes, f