Kinshasa, envoyé spécial.
Elle n'était venue à Kinshasa que pour rendre visite à un cousin germain, un homme d'affaires. De mère burundaise, de père congolais, elle vit à l'étranger depuis de longues années. Le 15 août, elle devait se présenter à un nouvel emploi au Mozambique, dans une société minière. Mais quand, le 5août, elle a voulu prendre son billet pour Maputo dans une agence de voyages au centre-ville, elle a été arrêtée. «Là, devant tout le monde, des civils qui se disaient de la Sécurité présidentielle m'ont attrapée et battue.» Elle est embarquée à «Kinmazière», un centre de détention au secret. «L'ennemi intérieur». Quadragénaire, mère de famille, elle y est fouillée par des femmes, qui la battent, lui ouvrent la lèvre, lui arrachent ses vêtements. «Regarde, c'est bien un sexe tutsi!» A ce moment, elle ne donne plus cher de sa vie. Depuis que des troupes tutsies l'armée rwandaise et des immigrés ont pris les armes contre Laurent-Désiré Kabila, le Tout-Kinshasa traque «l'ennemi intérieur». La chasse aux Tutsis a pris l'ampleur d'un pogrome.
L'intercession d'un commandant prénommé Ambroise la sauve des harpies. Mais au cours de l'interrogatoire qui s'ensuit, un fax relayé par un ami aux Etats-Unis se retourne contre elle. En fait, la ligne téléphonique ne passant pas entre deux capitales africaines, elle avait fait transiter sa demande d'un visa d'entrée au Mozambique par Washington. «Les Etats-Unis complotent contre le président Kabila. Tu es une espionne.» L