Kinshasa, envoyé spécial.
La grande tour de la Voix du peuple, la radiotélévision congolaise, abrite au dix-neuvième étage le ministère de l'Information. En bas de la tour, sur un carrefour animé, une station-service tourne le dos au camp militaire de Kokolo. Cette configuration est des plus heureuses. Elle permet aux soldats impayés et outragés par les «mensonges de la presse internationale» de guetter les journalistes étrangers, qui viennent ici chercher leur accréditation. Les hommes en uniforme vont alors les «accompagner», les invectiver et leur extorquer des fonds. Ils peuvent aussi, une option augmentant sensiblement le rendement, les rouer de coups. Enfin, ils leur apprennent que l'accréditation, payée 600 F pour rapporter des «événements autorisés», ne sert à rien. L'équipe de télévision filmant la station-service et la longue file de voitures en quête de carburant viole le «secret défense» en montrant le mur d'un camp militaire. L'équipe ne filmant que les rues adjacentes livre «le plan de bataille de Kinshasa à l'ennemi». Dans les deux cas, sinon une arrestation, un nouveau passage à tabac ou à la caisse s'impose.
Appels au lynchage. Une quinzaine d'envoyés spéciaux dans la capitale de l'ex-Zaïre se sont fait faire les poches. «Des soldats ivres m'ont suivi jusqu'au dix-neuvième étage pour me prendre mon argent dans l'antichambre du ministre», s'indigne un journaliste allemand. Lot commun des photographes et cameramen, une équipe de TF1 a été agressée sur le carrefo