Djakarta, de notre correspondant.
A peine arrivé devant la lourde barrière en métal, un gardien s'agite dans son cagibi: «Propriété privée, défense d'entrer.» Perché au sommet de l'une des collines de la région de Puncak, à Tapos (80 km au sud de Djakarta), le Ranch Tri-S fait plus que jamais figure de forteresse. Et pour cause: le propriétaire des lieux n'est autre que l'ancien président Suharto, démissionné le 21 mai sous l'effet de la grogne populaire. L'homme qui a exercé pendant plus de trente ans un règne sans partage sur l'archipel indonésien s'était fait construire, au début des années 70, un domaine agricole gigantesque de 750 ha, pour y développer des cultures de pointe (plantes hybrides) et élever du bétail importé. Une fantaisie parmi d'autres. Un luxe aussi, qui risque de ne pas survivre au changement politique et surtout à la crise économique que traverse le pays depuis plus de un an.
Mi-juillet en effet, plusieurs centaines de paysans en colère, venus du village de Cibedug, situé en contrebas, ont gravi les pentes qui conduisent au ranch pour réclamer leurs terres: celles-ci avaient été confisquées par l'ancien chef de l'Etat. L'escapade a débouché sur un affrontement avec le personnel de sécurité du ranch aidé par des militaires en civil. Deux personnes ont été blessées, et les paysans contraints à redescendre. «Les gens du domaine n'ont même pas voulu discuter», raconte l'Haji Rahman. «Pourtant, nous ne faisions que réclamer notre bien. En 1974, les hommes de