Jacques Attali, ancien conseiller spécial de François Mitterrand,
est à l'origine du projet Bangladesh. Il s'explique à Libération. Pourquoi, selon vous, ce projet n'a-t-il pas abouti?
Un projet de ce genre ne peut naître et avoir des chances d'aboutir que si quelqu'un s'en occupe vraiment à plein temps, ou presque. J'ai eu cette idée, je l'ai fait adopter dans le communiqué du G7 en 1989 parce que c'était au sommet de l'Arche, à Paris, et que j'étais le président des «sherpas» (conseillers présidentiels, ndlr). Ensuite, j'ai obtenu que la Banque mondiale s'en occupe, et il y a eu une réunion des donneurs à Londres. Le hasard de la vie a fait qu'après j'ai bifurqué, je me suis occupé de l'Europe de l'Est, et il n'y a plus eu de chef de file à ce projet. Il s'est enlisé dans le train-train administratif d'un groupe de travail de la Banque mondiale. Tout le problème est qu'il n'a pas été repris au sommet suivant du G7, qui n'a pas demandé: où en est-on? que fait-on?
C'est un vrai dysfonctionnement: les pays les plus puissants du monde décident d'un projet ambitieux et l'abandonnent aussitôt.
Absolument, c'est exactement ça. Ce sont les avantages et les inconvénients de ce type de structure informelle. L'avantage, c'est que ça permet à une idée de surgir et de s'installer. Je revois encore le «sherpa» américain disant: il est fou de vouloir nous parler du Bangladesh. On en a parlé, on l'a décidé. L'inconvénient de l'informel, c'est qu'il faut que ça continue dans les années suivan