Bonn de notre correspondante
«C'est un aimable monsieur de 87 ans, commence l'article. Plein de prévenances pour ses visiteurs, toujours prêt à vérifier que rien ne leur manque, pendant qu'il raconte comme c'était laborieux de brûler les juifs.» Dans son dernier numéro, passé inaperçu en Allemagne dans le fracas des élections, l'hebdomadaire Der Spiegel publie un témoignage d'une force terrible sur l'horreur nazie et l'absence de remords qui peut encore animer certains acteurs un demi-siècle plus tard.
Bruno Schirra, journaliste indépendant, a retrouvé la trace du dernier médecin nazi d'Auschwitz encore en vie, Hans Münch, retiré dans un village tranquille de l'Allgäu, au sud de l'Allemagne. Sur un ton détaché, enfoncé dans son fauteuil, sous un crucifix, le vieil homme lui a raconté la sélection des juifs à Auschwitz, les expérimentations médicales pratiquées sur les détenus, le passage dans les chambres à gaz, l'incinération des corps: «Les juifs étaient empilés en tas et se carbonisaient. On n'arrivait pas à les faire brûler. Mais c'était un problème technique qui a naturellement été résolu.»
La nouveauté de ce témoignage ne porte pas tellement sur les faits, déjà bien connus, mais sur le ton tranquille et satisfait avec lequel Hans Münch raconte Auschwitz. «J'ai pu faire sur des êtres humains des expériences qui d'ordinaire ne sont possibles que sur des lapins, se félicite-t-il. Ce fut un travail important pour la science.» Münch était chargé de recherches sur les rhumatism