Menu
Libération
Interview

L'expert Sylvie Brunel dénonce le cynisme des Etats et des rebelles: «Un monde de plus en plus inégal sur le plan alimentaire»

Article réservé aux abonnés
publié le 16 octobre 1998 à 11h50

Il y a près d'un demi-siècle, un médecin, Josué de Castro, dénonçait

la famine organisée de certaines populations brésiliennes dans un livre au titre saisissant, Géopolitique de la faim. Son analyse reste d'une brûlante actualité, dit Sylvie Brunel, qui coordonne un ouvrage qui porte le même titre (1), fruit du travail collectif d'hommes et de femmes de terrain de l'ONG Action contre la faim, et d'experts, juristes, agronome ou historien. Ce livre, le premier d'une série qui paraîtra chaque année à l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation, traduit le malaise des associations humanitaires face à un phénomène qui n'a plus rien de fortuit. Malgré des réserves mondiales suffisantes pour nourrir toute la population mondiale, malgré la mise au point de systèmes d'alerte et de prévention, malgré le savoir-faire des organisations humanitaires (une famine naissante peut être enrayée en quelques semaines), plus de 30 millions de personnes souffrent de faim aiguë et en meurent, et, face silencieuse du même phénomène, 800 millions d'autres sont en état de sous-alimentation chronique. Une nouvelle géopolitique de la faim se dessine. Auteur de plusieurs ouvrages sur ce sujet et conseiller à Action contre la faim, Sylvie Brunel répond aux questions de Libération.

Comment en est-on arrivé là?

Les conflits ont changé de forme. Avant, on affamait l'ennemi pour le faire céder. Bien entendu, ça existe toujours, c'est le cas par exemple au Soudan. Mais ces dernières années ont vu se déve