Le régime tunisien bénéficie incontestablement du soutien tacite d'une bonne partie de la population. On y vit plutôt mieux que dans les pays voisins, grâce à une croissance économique stable. La législation sur les droits de la femme y est la plus avancée, dans une région où celles-ci sont considérées comme d'éternelles mineures. Pourtant, ce régime martyrise sans vergogne tous ceux qui osent réclamer, pacifiquement, le respect des libertés publiques.
La Tunisie de Zine Ben Ali, qui célèbre aujourd'hui le onzième anniversaire de son arrivée au pouvoir, illustre ce triste paradoxe. Au même titre que le tableau accablant dressé par le très récent rapport d'Amnesty International ou par la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH). Le sort réservé à Khemaïs Ksila, vice-président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, symbolise parfaitement les «pressions et le harcèlement constants» exercés contre les défenseurs des droits de l'homme et tous ceux qui osent exprimer un point de vue divergent. «La Ligue gêne le pouvoir, il n'en veut plus, c'est tout», dit sobrement Fatma Ksila, son épouse venue à Paris pour participer à une réunion organisée jeudi par la FIDH afin d'exiger sa libération. Arrêté à son domicile le 29 septembre 1997, Ksila est détenu depuis et pour encore dix-huit mois, au «pavillon G», le plus dégradé de la prison civile de Tunis, dans des conditions qui l'ont amené à observer plusieurs grèves de la faim. Ses dix-sept premiers jours de détenti