Alger, envoyée spéciale.
C'était le jour de la fête nationale algérienne, le 1er novembre dernier, et, comme tous les ans, le président Liamine Zéroual avait convié au palais du gouvernement les directeurs des grands journaux du pays. «Cette fois, il compte vraiment sur votre présence», a glissé aux invités un de ces intermédiaires qui, en Algérie, se chargent toujours de décoder les paroles officielles. Le moment était, disons, délicat. Cinq quotidiens de la presse privés étaient alors en grève de solidarité avec deux autres titres, le Matin et El Watan, suspendus le 17 octobre, sous l'explication officielle d'une facture non payée auprès des imprimeries d'Etat. Or les deux «suspendus» avaient publié durant tout l'été une série de scandales qui mettaient essentiellement en cause le principal conseiller du président, Mohamed Betchine, reflétant la guerre des clans au sommet de l'Etat.
Dans le salon d'honneur, paré pour la fête, les hommes de presse s'avancent donc vers le général Zéroual. Tous s'attendent à quelque chose, une phrase, un mot. Depuis le début du mouvement, c'est le premier signe du pouvoir vers les protestataires. Et puis rien. «Il n'a pas parlé. Nous non plus. Ce n'est pas la tradition ici de prendre le Président à partie», raconte un des rédacteurs en chef présents. «Alors, on lui a touché la main et on a été dirigé vers le buffet.» Là se pressent tous les dignitaires du régime. «On leur a demandé leur soutien, mais la plupart avaient la bouche trop pleine de