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Libération
Interview

CHILI: LES ANNEES PINOCHET. "Passible de crime de lèse-humanité".

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Une juridiction adaptée aux dictatures reste à inventer.
publié le 14 novembre 1998 à 14h16

Louis Joinet, magistrat, est rapporteur spécial à l'ONU sur la lutte contre l'impunité. A ce titre, il a effectué des missions en ex-Yougoslavie, au Rwanda et au Burundi. Il a aussi participé à des processus de négociations en vue du retour à la démocratie ou à la paix, notamment au Guatémala, Salvador et en Nouvelle-Calédonie.

Le procès des anciens dictateurs est-il indispensable à une réconciliation nationale?

Qu'il faille les juger, avec leurs complices, est une certitude, mais il ne s'agit que d'un élément d'une stratégie plus globale de lutte contre l'impunité. La question est plutôt de savoir comment les juger quand ce n'est pas encore possible dans leur pays. Dans un premier temps, le jugement n'est peut-être pas ce qui est le plus souhaitable. Rendue à chaud, la justice ne peut être que sommaire, comme en France à la Libération. Il faut du temps pour mener un procès équitable qui ne compromette pas un processus de démocratisation. L'expérience montre que le plus urgent est d'obtenir très vite la création de commissions d'enquête du type «Vérité et Réconciliation», comme en Afrique du Sud. Une quinzaine de pays ont fait cette expérience, à commencer par l'Argentine. Ces commissions ne sont pas sans défaut, mais elles permettent de recueillir l'information avant que les indices ne disparaissent. Avec la démocratisation, le temps passe, les persécuteurs s'organisent, puis les gens pensent à autre chose. Il est donc essentiel de geler une situation. Il est significatif que, dans l'affaire Pinochet, les cas dont sont saisis les juges en Espagne et en France