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Interview

Mireille Delmas-Marty «Un droit commun de l'humanité».

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Mireille Delmas-Marty, juriste, évoque l'opportunité de juger Pinochet.
publié le 18 novembre 1998 à 14h32

Mireille Delmas-Marty est professeur à Paris-I et membre de l'Institut universitaire de France. Elle vient de publier un livre, Trois défis pour un droit mondial (1), dans lequel elle plaide pour la construction d'un «droit commun de l'humanité».

A la lumière du droit mondial que vous prônez, comment analysez-vous la situation de Pinochet?

Quelle que soit la décision de la justice anglaise, on voit bien que la situation n'est pas satisfaisante. Tour à tour, des juges espagnol, français, suisse, scandinave estiment être compétents car des victimes se sont constituées parties civiles sur tel ou tel territoire national. Or, par définition, le crime «contre l'humanité» concerne l'humanité entière, par-delà les seuls nationaux d'un pays. Ce n'est pas simplement une atteinte à la vie, mais à une valeur plus précieuse encore: la dignité, qui fait de chaque personne ­ à égalité avec toutes les autres ­ un être «humain». Le crime contre l'humanité est constitué lorsque l'on porte atteinte à cette valeur-là. A l'évidence, c'est la communauté internationale tout entière qui doit les juger. Il en est ainsi, mais pour une période limitée, avec le tribunal pénal qui juge des crimes commis en Yougoslavie et au Rwanda. La résolution de l'ONU a réussi à mettre d'accord, sur une définition unique du crime contre l'humanité, les juristes de toutes les traditions: common law et tradition romano-germanique pour ce qui est du monde occidental, traditions asiatiques, islamiques, africaines.

Et si Pinochet rentre au Chili?

Le problème est que la Cour pénale permanente, dont le statut a été décidé à Rome en juillet, n'est pas