Alger, envoyée spéciale.
Au-dessus de chaque mur d'enceinte s'entortillent des rouleaux de barbelés, piqués de barre de fer, de pieux, de lances et, comme des étendards plantés sur des fortins, claque le nom des usines: conserverie, tannerie, Coca-Cola. En sept ans de violences, Rouiba, gigantesque zone industrielle à une trentaine de kilomètres d'Alger, n'a jamais été touché par un attentat. Pas une bombe, pas un coup de feu, rien. «Rien», répète Mourad Taous.
Il travaille depuis douze ans à la Société nationale des véhicules industriels, la reine de Rouiba, la plus moderne, la plus grande, la plus tout des entreprises d'Etat algériennes. «Ici, c'est chez nous, et on n'aurait permis à personne d'attaquer la SNVI, poursuit Taous. Pendant cette crise, notre slogan c'était: "L'Algérie d'abord, et on a accepté tout ce que voulaient nos militaires pour ne pas mettre la nation en péril face aux islamistes. Nos salaires ont dégringolé de 30% après les mesures du FMI. On a avalé ça aussi pour que nos dirigeants ne perdent pas la face devant le monde entier. Tout ce que l'on voulait, c'est que personne ne touche à nos machines. On aurait mis le feu au pays pour ça. Maintenant qu'il y a un moment d'accalmie, j'ai l'impression de redevenir moi-même et d'avoir vécu un rêve. Est-ce que cela a vraiment existé? Et pourquoi maintenant, où on devrait aller mieux, on se retrouve misérable et nu, dans une usine à l'abandon?» Mourad Taous se fâche, parle de «trahison». Il voudrait raconter l'hi