Moscou, de notre correspondant.
Les ongles peints en rose, la robe noire, les lunettes épaisses, la juge interroge le jeune homme cheveux presque ras, visage un rien boutonneux, vêtements sobres. «Pourquoi avez-vous refusé d'être affecté dans un régiment? En raison de l'article 59 de notre Constitution qui garantit à tout citoyen russe le droit de faire un service alternatif civil», répond Alexeï Bikov, 20 ans. Dans la petite salle du tribunal de ce quartier excentré de Moscou, le procureur, sans âge comme la juge, une femme aux ongles peints en bleus, rajuste le gilet tricoté en mohair mauve jeté sur ses épaules. Au bout de la grande table en L, une jeune fille, la greffière, note. A un mètre de là, derrière un petit bureau se serrent un avocat flegmatique commis d'office, lorgnant un journal grand ouvert devant lui, et un «défenseur public» nerveux fouillant dans ses dossiers: le député de la Douma Valeri Borchev, président de l'ARA, association antimilitariste radicale.
Dans le public, on reconnaît des militants de l'ARA, dont Serguei Sorokine qui fut, avec d'autres, à l'origine de ce mouvement lorsque son fils fut l'un des premiers à vouloir faire le service civil alternatif. Sorokine a assisté à près de 150 procès sur les 300 environ qui ont eu lieu. Les verdicts ont été divers, allant de la peine pénale au report du procès à répétition. Les tribunaux répugnent à reconnaître l'existence d'un service civil alternatif pour ceux qui ne veulent pas porter l'uniforme et d