Elle a 28 ans, lui 29. Enceinte de sept mois, elle est épuisée. Pour fuir le Tibet, ils ont roulé une semaine en bus, puis marché un jour et une nuit pour éviter les postes frontière. De son gilet plein de poches, il extrait deux documents en chinois portant la date de ses libérations de prison. Il y a fait deux séjours, «deux ans et quarante-cinq jours en tout», dit-il, pour menées politiques. A Lhassa, il suffit parfois pour se retrouver en prison d'être un peu trop proche d'un jeune moine qui crie «le Tibet aux Tibétains» en pleine rue. Son ami moine purge une peine de quinze ans de réclusion à Drapchi, où sont regroupés nombre de prisonniers politiques.
Jusqu'à l'arrestation, le couple exploitait un petit hôtel à Lhassa. En faisant le tour des amis, elle a réuni les 10 000 yuans de caution pour faire libérer son mari. Il est sorti en juillet. Lorsqu'ils verront le dalaï-lama, qui reçoit tous les réfugiés arrivant du Tibet, ils lui demanderont de choisir le prénom de leur enfant.
Exclu du monastère Il a 20 ans. Fils de nomades, il a passé son enfance à garder les yacks dans la steppe tibétaine. Des lamas l'ont choisi parmi ses dix frères et soeurs: il est moine bouddhiste depuis l'âge de 11 ans. Jusqu'à son arrivée à Katmandou, il n'avait jamais vu un avion. Il n'a jamais été à l'école, mais a appris à lire et à écrire au monastère. Il ne parle pas chinois, ne sait pas ce qu'est une télévision, mais son père écoutait chaque jour une radio américaine toujours dans la crain